Journée d’étude « Un architecte, une œuvre : idéologies et dialogue » – Compte rendu

Après l’ouverture de la journée d’étude par Mr Mebarki Abdelkhaliq, président de l’association, six interventions étaient au programme de cette manifestation.

En matinée:

  • Mr CHIALI Abdessamad:

Architecte, enseignant, université de Tlemcen

Palais Royal de la citadelle d’El-Méchouar.

En premier lieu, il s’agit surtout de signaler que l’opération de restitution d’un héritage pré-colonial, en l’occurrence le palais royal d’El-Méchouar, est la première du genre dans notre pays. Son caractère unique en fait une expérience qui sera certainement utile pour de futures opérations similaires.

Un rappel historique était nécessaire pour situer la genèse, l’évolution et le contexte de l’édifice. Il s’agit de retenir principalement les aspects suivants:

 

  • Le palais royal est situé dans l’enceinte de la citadelle d’El-Méchouar à Tlemcen, qui était la capitale du royaume Zianide.
  • La parenthèse Ottomane a vu le déclassement de la ville de Tlemcen et par conséquent, déclin de ses principaux monuments.
  • Durant la colonisation française, le Méchouar eut une vocation militaire. Une infirmerie fut construite sur les ruines du palais royal.
  • A l’indépendance, le Méchouar garda sa vocation militaire.
  • Durant les années 90, récupération par les autorités civiles. Lors de différentes fouilles, des vestiges furent découvert.
  • En 2001, opération de confortement des murailles. Des faïences et stuc furent mis à jour, témoignant de la richesse de cet ensemble historique.
  • Par la suite une réflexion a été menée pour la restitution du palais royal comprenant des archéologues et des historiens. Travail de reconnaissance et de fouille.

Une recherche d’archives a été entreprise de différentes sources ou il s’agissait de retrouver l’ancien tracé du palais de l’avant colonisation.

Constitution d’un corpus relatif aux écrits et à l’histoire et de dossiers graphiques. Présentant des similitudes avec l’Alhambra de Grenade, une étude comparative a été menée en ce sens.

Selon les données des cartes anciennes, les fouilles ont permis de faire de nombreuses découvertes (décors et ornementations, épigraphie, différents stucs…).

Après ces phases de connaissances et de fouilles un travail de reconstitution du plan d’origine du palais a été mené avec les données techniques y afférentes (caractéristiques des murs porteurs, matériaux, détails constructifs et autres). Une restitution des dessins, stucs etc. a été réalisée au moyen de la DAO (Dessin Assisté par Ordinateur) et des différents outils de numérisation. La restitution a par la suite touchée l’ensemble des éléments composants du Palais. Ce dernier par la suite, aura la vocation d’espace culturel, suite à l’évènement de «Tlemcen, capitale de la culture Arabe».

Avec la fin des études et la restitution virtuelle de l’ensemble, les travaux de réalisations furent entrepris. Le souci de sauvegarde des traces existantes a toujours été présent, ou se mêlent des éléments d’origines (qualifiés de fenêtres archéologiques) aux éléments nouveaux.

L’opération de manière générale a permis de restituer un pan important de l’histoire et de l’identité de la ville de Tlemcen. C’est un monument actuellement, qui est l’objet beaucoup plus de curiosité et de découverte (40000visiteurs/mois).

 

  • Mr SI-LARBI Hamid:

Architecte, USTO Oran.

Artisan de l’Architecture, entre théorie et pratique.

D’emblée, l’intervenant explique sa posture par rapport à l’exercice de la profession en se basant sur l’évolution de son expérience pratique et en montrant l’importance de la structure et des matériaux dans la conception architecturale. Au préalable, l’intervenant explique la difficulté de définir un phénomène de la vie, car les mots ne sont jamais à la hauteur de la complexité de la réalité.  Il ajoute par ailleurs, qu’étant donné l’ampleur de notre ignorance actuelle, voici la définition qui pourrait résumer sa vision:

«L’architecture c’est la volonté d’organiser un espace afin de répondre à un besoin d’usage, la principale expression de cette volonté est la structure qui elle-même découle de la nature des matériaux et de leur mise en œuvre dans un rapport de vérité et d’authenticité».

C’est dans cet esprit que l’on comprend le qualificatif d’artisan. Il faut revenir à la période ou l’architecte diplômé n’existait pas encore et comprendre l’histoire et l’évolution de la maitrise d’œuvre et le profil des personnes qui avaient l’aptitude de la faire. Les charpentiers et les tailleurs de pierre étaient des concepteurs d’ouvrages qui avaient le maitrise de la troisième dimension. Il évoque à cet effet, la stéréotomie, qui est la science traditionnelle de la coupe des matériaux employés dans la construction. D’où le qualificatif de l’artisan avec l’idée que la formation en architecture devrait plus pencher vers la notion du mâalem qui est beaucoup plus ancienne que le compagnonnage et d’affirmer que l’enseignement de l’architecture devrait quitter l’académisme pour son salut.

Concernant ses expériences personnelles et notamment la réalisation de maisons individuelles, le chois des le départ s’est porté sur les matériaux naturels (bois et pierre) et d’autres matériaux dont il est fait peu usage : toitures baguettes, tasseaux, tôles galvanisées pliées, béton cyclopéen, caillebotis…). Tous les matériaux utilisés sont disponibles sur le marché national avec une main d’œuvre locale. Certaines maisons existantes ont nécessité des extensions en charpente en bois ou métallique. L’idée étant d’éviter des recettes acquises et maintes fois répétées.

L’intervenant évoquera aussi son expérience actuelle pour la construction d’une maison individuelle en utilisant une structure en murs porteurs en briques creuses chainées et armées, ainsi que des voutes et des coupoles.

 

  • Mr HIRECHE Mohamed

Enseignant, architecte – Université de Blida.

«Projects Monitoring».

L’intervenant a scindé sa communication en deux volets. Le premier concerne l’exercice de la profession élargi aux enseignants architectes et le second concerne son expérience pratique en collaboration avec une entreprise de réalisation.

  • 1/ La liberté d’exercer la profession d’architecte en qualité de maitre-d’œuvre qui est refusée aux enseignants est universellement admise. Pour preuve, des architectes mondialement connus, exercent et enseignent de manière simultanée. A ce sujet le conférencier citera certains d’entre eux, dont:
    • Peter Zumthor, qui affirme notamment que la beauté est le résultat de la pratique et que l’architecture n’est pas seulement de la théorie.
    • Kevin Lynch, connu pour son ouvrage «L’image de la cité» qui a fait intervenir ses étudiants pour les enquêtes de terrain. Ouvrage qui reste toujours d’actualité.
    • Robert Venturi, qui travaille aussi avec des équipes d’étudiants ou il préconise l’architecture contemporaine à l’architecture de mode.
    • Aldo Rossi
    • Rem Koolhaas
    • Alex Krieger

Tous ces enseignants architectes pratiquent le métier et prouvent concrètement qu’il n’y a aucune contradiction entre ces deux facettes, bien au contraire, la pratique nourrit l’enseignement.

 

  • 2/ L’intervenant a ensuite exposé l’expérience de son bureau d’étude «Acropolis» en association avec une entreprise de réalisation. Il évoquera les projets suivants :
    • Les 2000 places pédagogiques à Chlef en 2008.
    • La direction du commerce à Ain-Defla en 2005.
    • Le centre de proximité des impôts à Blida en 2014.
    • Le service régional de la police judiciaire à Blida en 2013.

De ces différentes réalisations, l’orateur exposera l’expérience d’une association/collaboration avec une entreprise en ramenant un certain nombre d’éléments innovants en terme de matériaux et du rapport avec l’organisation et l’expression architecturale (murs rideaux, panneaux composites, cloisons amovibles…).

 

  • Mr KHENOUCHA Taieb

Architecte, enseignant – Université de Constantine 3.

«Le 3ème espace»

La réflexion de l’intervenant porte sur l’espace extérieur qu’il qualifie de 3è espace. Son objet d’étude porte sur la négligence de l’espace du dehors, contrairement à l’espace intérieur, domestique qui est sujet  à plus d’attention. Son interrogation porte sur l’espace public, le dehors, l’espace contenu entre les bâtiments, l’espace qui bouge qui contient la vie. En résumé il doit être perçu comme lieu de vie.

Les mutations de la ville Algériennes impliquent de donner de nouveaux horizons à la réflexion. Pour ce faire, l’intervenant a argumenté ses propos sur la base d’un travail de terrain à Constantine et à Alger.

La bonne qualité d’un espace public suppose un certains nombre de caractéristiques. Accessible, facile d’accès, bien utilisé à différents moments de la journée par une population de toute catégorie avec la création d’évènements. Après cette introduction, énumération des différents aspects devant être pris en compte dans les réflexions relatives à l’espace public:

  • Le confort et l’image: un mobilier urbain adéquat, facilité d’orientation et la possibilité d’apprécier l’esthétique.
  • La sociabilité: Favoriser le contact et la convivialité.
    • Activités passives: voir et être vu, déambuler.
    • Activités actives: implications des individus.
  • Une place pour s’assoir: offrir une variété de places pour s’assoir avec différentes possibilités d’usage et d’appréciation.
  • Manger dans l’espace public: les lieux de consommation permettent d’apprécier l’espace public.
  • Les enfants dans la ville: offrir des espaces pour les jeux. L’espace doit être imaginatif, lieu d’évènements culturels et de loisirs. Sensibilité dans la vision car la perception des enfants est différentes de celle des adultes.
  • Les jeunes en ville: faire preuve de tolérance et d’imagination à l’égard du désœuvrement des jeunes en attentes d’évènements. Prise en charge par des activités sur l’espace avec au préalable la définition de besoins.
  • Les personnes âgées: les retraités ont plus de temps à dépenser. Penser à des équipements de repos dans des endroits appropriés.
  • Les personnes à mobilité réduite: faciliter les déplacements et l’orientation et des dispositifs d’aménagement.
  • Une ville pour les différentes saisons: la nuit la ville se vide. Eclairage et une animation par saison doit être adaptée.
  • Formel: La couleur, la forme et la texture des matériaux en sont des composants importants. Les feuillages et la verdure contribuent aussi à l’esthétique.
  • Le renouveau des rues: Signalisation et gardes fous car étant un espace partagé.
  • Le renouveau des jardins et squares: Ce sont des éléments structurants de la ville, leur prise en charge étant impérative.
  • Les murs des rues principales.
  • Le sol de la ville.
  • Kiosques et pavillons.

En conclusion, l’intervenant a insisté sur le fait que l’identité de la ville se lit à travers l’espace extérieur, qui doit être confortable, convivial et générateurs de liens sociaux.

 

 

Mr HAMMACHE Seddik:

Architecte, enseignant, université de Blida.

«Maitrise d’ouvrage publique: retour sur une expérience de terrain».

L’intervenant ayant exercé en qualité de directeur central de l’architecture au niveau du ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de la ville, nous livre une expérience de lancement, d’élaboration et de réalisations de différentes études et projets. Des missions rythmées de défis, d’urgences avec des réponses rapides, en fait un parcours jalonné de paradoxes. Les principales opérations évoquées lors de cette rencontre, sont les suivantes:

  • Université de Jijel : 2004. Site de Tassoust – 18000 places pédagogiques et 9000 lits. 10 années pour la réalisation de l’ensemble du projet.
  • Etude pour la croissance de la ville de Batna (2005/2007). Le PDAU approuvé en 1997 est devenu caduque en moins de 10 ans. En 2005 PDAU intercommunal avec option de la croissance par un système polycentrique.

L’orateur donnera différents détails sur les sites retenus, sur l’ensemble du processus des études et sur le mode d’avancement et de réalisation des travaux. L’ensemble sera synthétisé par l’orateur sous forme d’un tableau intitulé « partage des interventions » avec des détails sur la mobilisation d’ensemble et la collaboration entre acteurs locaux, entreprises, promoteurs, architectes, élus, administration locale etc…

  • Etude te la réalisation de la cité administrative de Batna comportant 21 sièges d’administration. Démarche basée sur le plan spatial sur une vision polycentrique.
  • Ouargla: report de la croissance de la ville. Sur quels sites et suivant quelles orientations ? Il s’agissait surtout d’éviter l’urbanisation sur les champs pétroliers. La réflexion a englobé 04 communes et partait des principes suivants:
    • Réfléchir à l’idée de ville nouvelle.
    • Limiter l’urbanisation de la cuvette.
    • Eviter de phagocyter la palmeraie.
    • Réhabilitation du périmètre du ksar de Ouargla.

A cet  effet, 04 sites d’intervention ont été retenus. L’aspect réglementaire s’est orienté vers les spécificités des constructions dans les régions du sud.

La synthèse de l’orateur au sujet de ces expériences a porté sur les carences constatées, à savoir, une adaptation forcée à de mauvais cahiers des charges, des œuvres prêtes à porter qu’il s’agissait de dupliquer, fabrication du logement en série sans réflexions approfondies et un urbanisme de plan de masse au lieu d’un urbanisme de composition.

 

Mr SAHRAOUI  BRAHIM Toufik:

Architecte, enseignant – USTO Oran.

«La production architecturale dans la promotion immobilière».

L’intervenant a fait part de son expérience concernant deux opérations de promotion immobilière en s’interrogeant sur la place qui était réservée à la production architecturale au vue de la qualité de demande sociale de la promotion immobilière qui a vu d’importantes opérations se réaliser au niveau national et sous différentes formes.

L’expérience des deux projets a couvert les multiples étapes jusqu’au stade final, à savoir, l’élaboration du programme, les études et les phases de réalisation.

 

  • 1ère opération: Elle est à caractère public, 34 logements en semi-collectif (2003) le maitre d’ouvrage étant l’ENPI (ex.EPLF) –Site au niveau de Akid Lotfi, Oran.

Les prescriptions du cahier des charges stipulaient dès le départ, une hauteur de R+2, un alignement sur rue, un traitement d’angle en arrondi. Choix d’un statut de l’habitat légèrement supérieur au social.

Le terrain étant composé de deux ilots, l’idée était de lier ces deux derniers par une forme spatiale d’introversion. Entame de l’étude puis retour sur le choix du terrain avec la décision de n’opter que pour un seul ilot

Exposé de multiples détails sur les différentes phases de réalisation.

  • 2ème opération: Relevant de la promotion immobilière privée : Ecobat. 36 villas à Hai-Yasmine – Oran.

Le POS de la zone prévoyait de l’habitat individuel (R+2) avec alignement sur rue et respect du fond de parcelle. Réalisation au préalable d’une maison témoin pour tester la réaction des particuliers en leur offrant deux choix: soit une maison semi-finie qu’ils agenceront selon leur convenance, ou soit l’accès à une maison complètement achevée. Le choix s’est porté de façon unanime vers une habitation finie. Les études techniques ont été élaborées en coordination avec le promoteur. Mais de façon générale, la maitrise d’œuvre s’est faite de manière fragmentée dans la mesure où le promoteur intervenait dans les choix architecturaux.

A l’issue de ces deux expériences, l’intervenant en a déduit que la production architecturale est le résultat d’un rapport de force entre le maitre-d’œuvre et le promoteur.